RFI – 05/10

La République portugaise fête ses 100 ans à l’ombre de la crise

Por Marie-Line Darcy, correspondente em Lisboa

Ce mardi 5 octobre est le point d’orgue des commémorations et célébrations qui ont jalonnées l’année 2010 marquant le centenaire de la République. En hommage aux valeurs démocratiques d’égalité et de liberté auxquels les Portugais sont très attachés.

Le bonnet phrygien, la poitrine dénudée, ce pourrait être Marianne en promenade à Lisbonne. Mais il n’en est rien, cette République est portugaise et elle fête ses 100 ans ce mardi 5 octobre 2010.

Inspirés de l’exposition « Corpos » qui occupe l’une des tours de la place du Terreiro do Paço (l’esplanade du château, rebaptisée « Place des citoyens » pour l’occasion), consacrée à l’émergence de la représentation du corps et au développement des sports au début du XXe siècle, les Jeux du centenaire animent l’immense place depuis peu rendue aux piétons.

Le soir, depuis le 29 septembre, un spectacle multimédia embrase les arcades qui ferment le Terreiro do Paço. Sous l’arche de la rue Augusta, des corbeaux plus vrais que nature s’envolent pour nous raconter en quinze minutes l’histoire de Lisbonne jusqu’à ce fameux jour de la proclamation de la République.

Redorer le blason d’un gouvernement malmené

Le drapeau géant flottant sous la voute de l’auguste arc de triomphe a été emporté par la tempête : les commémorations se feront sans lui. Le 5 octobre elles prennent une tournure plus solennelle. Le président de la République, Anibal Cavaco Silva, doit se rendre à la mairie située non loin du Terreiro, dans la ville basse, le cœur de Lisbonne. Il se rend ensuite au 1er étage de la mairie, jusqu’au balcon où José Relvas a proclamé la République il y a 100 ans.

L’hymne « la Portugaise », chant de ralliement des républicains depuis leur coup d’Etat manqué en 1891 contre la monarchie, sera interprété par la cantatrice Elisabete Matos. Il sera ensuite repris par l’orchestre de la Garde républicaine, et par plus de 200 orchestres du nord au sud du pays.

C’est le 5 octobre 2010 que le gouvernement a choisi d’inaugurer officiellement le programme de rénovation de 100 écoles dans le pays. Une opération qualifiée de « médiatique », destinée à redorer le blason d’un gouvernement malmené par une crise sociale, économique et politique sans précédent.

Autre grande inauguration au programme : le centre de recherche sur le cancer de la fondation Champalimaud, du nom du milliardaire qui a laissé, à sa mort, une partie de sa fortune à un fond pour la recherche. Le centre scientifique et de soins sera une vitrine du Portugal dans le domaine médical.

Des mini-événements dans tout le pays

La commission du centenaire de la République a opté pour un saupoudrage de mini- évènements, étalés dans le temps, afin de satisfaire tous les goûts et d’être le plus près possible des gens. Par souci de symboliser la démocratie, le palais présidentiel de Belem est ouvert au public tous les jours pendant les cinq jours des commémorations.

Les visites guidées sont entrecoupées de concerts, allant du hip hop au classique en passant par le fado. Les commémorations incluent aussi les reconstitutions historiques dont les Portugais sont friands. Les spectacles les plus attendus sont ceux préparés à Lisbonne par la troupe « O Bando » connue pour ses interventions de rue. Une reconstitution burlesque à laquelle les Lisboètes sont associés : l’inscription pour participer donnait droit à une paire de moustaches.

A Coimbra, la grande ville universitaire du centre du pays, pas moins de 700 comédiens et figurants ont entrepris de récréer les temps forts de la première République portugaise. Un scénario qui se répète dans de nombreuses villes du pays.

Quatre portugais sur dix ne savent pas quel centenaire est célébré ce 5 octobre 2010

Entamées le 31 janvier 2010, les commémorations ont été jalonnées de nombreuses critiques et controverses. Elles ont été accusées de vouloir retranscrire une vision rose bonbon de l’Histoire, une version glamour valorisant la modernité et le bien-être social, oubliant un peu trop les dictatures qui suivirent et la meurtrière guerre des tranchées de 1914-1918 où le Portugal s’est embourbé avec toute l’Europe.

Coût total des commémorations :10 millions d’euros

Les détracteurs du gouvernement socialiste en place et la crise grave que traverse le Portugal ont suscité des comparaisons quelque peu dangereuses : la situation actuelle s’apparenterait à celle vécue à la fin du règne de Dom Carlos, le roi assassiné en 1908 et qui a provoqué la chute de la royauté portugaise.

Les historiens, quant à eux, ont débattu et débattent encore du rôle de la République envers l’Eglise, et remettent en question le rôle joué dans le progrès social du pays. Tout ceci dans une indifférence quasi générale ou presque : quatre Portugais sur dix ne savent pas quel centenaire est célébré ce 5 octobre 2010. Les commémorations auront coûté 10 millions d’euros qui auront servi au moins à une chose : vérifier que les Portugais tiennent vraiment à leur République.

Link: http://www.rfi.fr/europe/20101005-republique-portugaise-fete-100-ans-ombre-crise

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